Co-porté par FRAPP, l’ISIT Intercultural School, l’Université de Turin, la Maison de l’Île-de-France de la Cité internationale universitaire de Paris, et avec le soutien de LexisNexis, cet événement sous la direction scientifique de Laure Clément-Wilz (UPEC), Agata de la Forcade (ISIT) et Ilaria Cennamo (Université de Turin) a réuni des juristes comparatistes et linguistes, des traductologues, linguistes, spécialistes de l’intelligence artificielle et praticiens de la traduction.
Objectifs du colloque
Ce colloque international a questionné le cadre institutionnel, administratif et normatif d’intégration de la traduction neuronale, les méthodes d’adoption et d’interprétation des textes par le juge européen. Il a confronté les points de vue sur les atouts et limites de l’IA concernant le multilinguisme juridique européen, réunissant juristes spécialistes du droit européen, comparatistes, juristes linguistes, traductologues, spécialistes de l’IA et praticiens des services de traduction institutionnels.
Le multilinguisme juridique européen et ses enjeux
La reconnaissance de 24 langues officielles dans l’Union européenne transforme profondément les processus législatifs, normatifs et jurisprudentiels en plaçant la traduction juridique multilingue au cœur du système. Cette exigence de qualité traductive devient fondamentale puisque le droit européen s’intègre automatiquement dans les ordres juridiques nationaux avec primauté sur les droits internes. Les exigences d’harmonisation européenne perturbent la relation traditionnellement bidirectionnelle de la traduction, tandis que le service de traduction institutionnel répond aux besoins juridiques et politiques conformément à l’ethos communautaire de cette « Union par le droit ».
L’émergence de l’intelligence artificielle dans la traduction européenne
L’Union européenne fait face aux défis de l’intelligence artificielle, sujet stratégique qui impacte déjà les pratiques traductives depuis le lancement d’e-Translation par la Commission européenne en 2017. Ce moteur de traduction neuronale vise à connecter les institutions européennes aux administrations publiques, universités, traducteurs indépendants, PME et ONG des États membres et pays associés.
Opérationnel dans plusieurs domaines discursifs et couvrant toutes les langues officielles de l’UE ainsi que huit autres langues, e-Translation propose des traductions automatiques brutes nécessitant une vérification humaine compétente. Les progrès de la traduction neuronale par rapport aux systèmes précédents soulèvent de nombreux défis.
Les défis posés par la traduction neuronale
L’utilisation de l’anglais comme langue pivot pour pallier la représentation inégale des langues dans les corpus d’entraînement nécessite une analyse critique des effets linguistiques et juridiques. À la Cour de justice européenne, où la jurisprudence est rédigée en français puis traduite, des considérations spécifiques s’imposent.
Se posent également les questions de l’impact sur la terminologie juridique et la relation avec la base IATE, de la variation linguistique et terminologique, ainsi que du risque de reproduction de biais contenus dans les corpus d’entraînement. Ces défis se multiplient car de nombreux services de traduction développent des moteurs personnalisés selon le principe de la « custom machine translation ».
Une réflexion collective sur l’avenir de la traduction juridique
Les discussions menées au cours de ces deux journées ont confirmé que l’intégration de l’intelligence artificielle dans la chaîne de production normative et judiciaire européenne ne saurait être une simple question d’automatisation. Elle appelle une réflexion approfondie sur les conditions d’une traduction juridique de qualité, sur la formation des futurs professionnels (linguistes, traducteurs, juristes-linguistes).
La clôture du colloque a permis de mettre en lumière les enjeux majeurs liés à l’utilisation de l’IA dans la traduction juridique et de dégager des perspectives prometteuses pour l’avenir de cette profession.
À propos de l’auteur de cet article
Murielle Vauthier, doctorante (LIS – UPEC) & Manager de l’EUR FRAPP
Ses recherches portent sur le « pouvoir germinatif » de la fiction transnationale chez Doris Lessing, Edouard Glissant et une sélection d’auteures contemporaines.
Liens
- Sylvie Monjean-Decaudin : « Les Enjeux de l’Intelligence Artificielle pour la Traduction Juridique au Sein de l’Union Européenne: Observations Générales du Point de Vue de la Juritraductologie »
- Aurélien Talbot: « Le «Paradigme de la Traduction» et l’Apprentissage Profond: Regard Rétrospectif sur Deux Ouvrages de François Ost »
- Maria Zimina-Poirot, Christopher Gledhill, Manon Bouyé : « Towards Clear, Simple, and Inclusive Legal Language: Exploring Generative Artificial Intelligence (GAI) Models as Content Rephrasing Assistants in Multilingual Settings »
- Stefaan van der Jeught: « The Multilingualism Paradox in EU Law: In Our Own Language Version We Trust »
- Susan Wright: « Artificial Intelligence in Legal Translation at the Court of Justice of the European Union »
- Réka Somssich: « Is Artificial Intelligence Capable of Validating Language Policy Choices in the Translation of EU Legislation? »
- Fernando Prieto Ramos: « Embracing New Translation Technologies at International Organizations: Translators’ Perceptions of Machine Translation and its Impact on Institutional Translation »
- Laure Clément-Wilz, Agata de Laforcade, Ilaria Cennamo: « Translation in the European Union: Navigating Technical and Legal Issues in the Light of Artificial Intelligence — Conclusions
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